Assurance maladie, Publicité médicale
Quelles règles pour la publicité quand on est professionnel de santé, médecin, docteur.. ?
18 novembre 2020
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« Petit à petit, on devient moins petit » : c’était le slogan d’une pub pour des yaourts à boire, je crois. Eh bien, avec la question de la fin de l’interdiction de faire de la pub pour les professionnels de santé, c’est pareil !
Sujet
Publicité médicale
Durée de lecture
5 minutes
Cible(s)
médecins généralistes
médecins des hôpitaux
personnels médicaux
En bref
Ce texte s'adresse aux professionnels médicaux dans leurs efforts de publicité. L'objectif est de les conseiller à opter pour les meilleures approches possibles, pour répondre au mieux aux besoin de leurs patients — sans prendre de risques juridiques...
Petit à petit, les soignants entrent dans la société de l’information, et de gré ou de force, les ordres comprennent que le réseautage, le bouche à oreille ne peuvent plus tenir lieu (uniquement) de recommandation. Hier, quand on cherchait un gynécologue, on demandait à sa voisine, aujourd’hui, on demande à Google, ou on va sur Facebook ! Bien ? Mal ? Là n’est pas le souci, et chacun a le droit de gérer son affaire (car arrêtons de nous cacher derrière notre petit doigt, il s’agit bien d’un business, c’est évident, sans quoi chacun n’a qu’à travailler gratis, et c’est réglé), comme il veut !
Si vous ne voulez pas être sur les réseaux sociaux, si vous ne voulez pas avoir de site, rien ne vous y oblige, mais si vous le voulez, vous en avez le droit et c’est ça la véritable nouveauté : le soignant a le droit de communiquer, il a le droit de promouvoir son activité et personne ne peut le lui interdire.
C’est toute la portée de l’arrêt du Conseil d’État du 6 novembre 2019, dont je suis à l’origine, ayant porté le combat de la liberté pendant 10 ans. Mais maintenant qu’il est interdit d’interdire, qu’avez-vous le droit de faire ? Qu’est-ce qui est recommandé, autorisé, qu’est-ce qui ne l’est pas ? C’est pour esquisser un début de réponse que j’ai rédigé les 5 règles d’or de la publicité des soignants, ou comment promouvoir intelligemment son activité. Elles sont un début de réponse, car la réponse intégrale est personnelle, et elle nécessite un audit de situation, que nous menons depuis plusieurs années.
J’interviens, et heureusement, de plus en plus souvent, pour auditer vos moyens de communication, les rendre acceptables, vous éviter d’inutiles poursuites. Commune en Italie, cette démarche l’est moins en France, et c’est dommage, car entre le tout publicitaire et le tout discrétion, il y a des intermédiaires, il y a des compromis subtils, qui déjà fonctionnaient alors que la publicité était interdite.
Cela signifie qu’à fortiori, l’avenir, dans les prochains mois, est à la promotion intelligente qui respecte les 5 règles d’or suivantes :
Règle d’or n°1 : Tu n’exerceras pas ton métier comme un commerce
Concrètement ? Eh bien, vous éviterez toute signalisation commerciale (vous n’êtes pas un supermarché, hein !), vous éviterez toute attitude commerciale avec des formules du genre : « un acte acheté, un acte offert ».
Vous aurez à cœur de vous souvenir que vous n’êtes pas commerçant, et donc que vous devez vous abstenir de tout acte qui laisse entendre que vous exercez votre art comme tel.
Il convient de prendre garde lorsque vous participez à des actions en lien avec des sociétés privées qui vous reversent des honoraires
L’interdiction d’exercer comme un commerce demeure inscrite au code de de déontologie.
Règle d’or n°2 : Tu communiqueras un peu sur ce que tu veux, mais tu le feras honnêtement et loyalement
Vous avez le droit de communiquer sur votre parcours, de livrer des informations sur votre compétence, sur votre pratique, et vous êtes libres de communiquer toute information à caractère scientifique sur votre discipline.
Mais loyalement !!! Hein !!! LOYALEMENT !!! Vous n’avez pas le droit de dire que vous êtes le meilleur chirurgien de Paris, ou de Bretagne (et encore moins d’Europe) : ça c’est par nature trompeur car subjectif, invérifiable et ça fait, il faut bien l’avouer, un peu racoleur et on va retomber sur l’exercice comme un commerce.
Alors ? Eh bien, est permis : « Docteur X, chirurgien à Neuilly, exerce depuis 20 ans, a fait ses études à Paris V, a choisi de s’orienter très tôt vers la chirurgie du coude, et a publié des centaines d’articles sur le sujet. Il a une activité quasi exclusivement concentrée sur la chirurgie du coude, et fait partie, aujourd’hui, des pionniers de cet exercice spécifique, puisqu’il exerce depuis 1980. La chirurgie est sa passion, ses patients le sont tout autant ! Chez nous, vous serez pris en charge sur le plan médical sans jamais oublier l’humain. Chaque consultation démarre par un interrogatoire, puis par un examen clinique le moins invasif et douloureux possible et par une proposition de traitement. Le temps nécessaire sera pris pour vous expliquer celui-ci, et vous permettre de prendre votre décision en toute connaissance de cause. Vous sera remis ensuite un compte rendu de consultation pour vous permettre de solliciter, au besoin, un second avis… »
Ou encore : « Le Docteur Y est médecin dédié à l’esthétique et ambitionne de répondre aux exigences de notre temps en vous aidant à mieux vieillir. Elle exerce depuis 20 ans, a suivi des formations successives en laser, en techniques d’injection, et en nutrition. Sa méthode : établir un diagnostic précis, en prenant des photos pour permettre de discuter avec vous de votre image. Elle vous interrogera ensuite sur vos habitudes alimentaires, et sur vos antécédents médicaux, familiaux. Mais parce que la médecine est un tout, elle vous demandera surtout comment vous vous sentez. Vous écouter, vous accueillir avec votre histoire de vie, avec vos ressentis est notre priorité ! Nous avons le pouvoir de faire en sorte que vous alliez mieux, mais aussi que vous vous sentiez mieux ! »
À ceux à qui ça parait évident que ce genre de propos soit permis, je rappelle que des condamnations ont eu lieu pour moins que ça !!!!
Vous avez vu que je n’indique pas chirurgien du coude, ou encore médecin esthétique, car il s’agit là de deux titres non reconnus par l’ordre : l’un est chirurgien orthopédique, libre à lui (au contraire) d’expliciter qu’il a une activité opératoire principale en chirurgie du coude, l’autre est médecin généraliste (ou autre titre reconnu par l’ordre) qui s’est orienté vers l’esthétique, mais il n’est pas médecin esthétique, car le titre n’existe pas.
Et cette question est fondamentale dans votre communication et c’est d’ailleurs le prochain combat : la déontologie, aujourd’hui, interdit de faire mention de diplômes non reconnus par l’ordre, ce qui exclut un nombre important de DU universitaires hautement recommandables, et à la valeur scientifique pourtant incontestable. Je suis en train de faire sauter cette stupidité encore très française, qui consiste à confondre autorité scientifique et autorité ordinale !
Mais pour l’instant, faire mention d’un diplôme non reconnu n’est pas possible, et il faut contourner l’obstacle par le wording.
Ce qui n’est par contre pas permis : « Docteur Z, meilleur chirurgien de Paris vous propose, grâce à son expérience incontestée, son savoir faire inégalé, de vous transformer ! Magicien, il pourra vous sublimer, il pourra vous redonner vie ! Mais même si la beauté n’a pas de prix, il ne faut pas non plus que son coût soit trop élevé, et à ce titre, le Docteur Z est un des chirurgiens les moins onéreux de Paris ! »
Alors ça, ça va continuer à valoir très très cher : tous les ingrédients sont réunis pour une condamnation : « expérience incontestée » (ça ne veut rien dire et incontestée par qui ?), « savoir faire inégalé » (euh t’es certain là?), « vous transformer » (rien que ça !), « vous sublimer » (ah en ce cas !), « vous redonner vie » (Wahou ! j’achète!) et en plus il est le moins cher !
Ici, nous sommes dans l’excès, dans une dimension à la fois commerciale, mais surtout malhonnête et indélicate au demeurant.
Règle d’or n°3 : Les réseaux sociaux tu pourras utiliser, mais en respectant les règles n°1 et 2
La question revient tout le temps : peut-on utiliser les réseaux sociaux ? La réponse est toujours la même : vous confondez le support et le message !
Oui, évidemment que vous pouvez utiliser les réseaux sociaux (désormais), mais en veillant à ce que votre communication, quoique publicitaire, ne soit ni déloyale ni malhonnête, et que vous ne fassiez pas de votre exercice un commerce.
La question de la promotion payante est souvent posée et la réponse est aussi la même : le professionnel de santé ne peut se voir restreindre son droit de faire de la publicité mais celle-ci doit respecter les principes vus ci-dessus.
Les réseaux sociaux sont un piège auquel il faut prendre garde et ce pour au moins trois raisons :
"Les réseaux sociaux sont un piège auquel il faut prendre garde..."
Fabrice Di Vizio
Règle d’or n°4 : Des vidéos pédagogiques, informatives, tu abuseras
Le lien avec le patient se tisse au travers des questions auxquelles le médecin peut apporter réponse. Les internautes vont sur les réseaux (au moins certains) pour s’amuser, mais ils cherchent des réponses sur Google. Et plus vous aurez un positionnement important sur Google, plus il sera facile de vous faire connaitre.
Cette notoriété passe par un contenu de qualité qui répond aux attentes de vos patients, appelé en marketing, votre client idéal. Trop peu de médecins ont recours à des tunnels de vente, pour pouvoir attirer le client idéal. Or c’est non seulement un super outil marketing, mais c’est un super moyen de se placer au dessus de la mêlée.
Nous, par exemple, on a choisi depuis longtemps, de vous informer, de vous former et mon secteur n’est pas moins concurrentiel que le vôtre.
Quelques exemples :
Et si on veut aller plus loin, regardez ça :
Silence on Soigne : le constat
Docteur Ferguson : un médecin heureux
Sabrina Ali Benali : la vraie vie de l'interne
Règle d’or n°5 : N‘importe quoi tu ne feras pas, et de ta qualité de soignant tu te souviendras
Cette règle est presque un chapeau de toutes les autres : la publicité des dentistes, des médecins, des para-médicaux, est vue avec méfiance même par la Cour de Justice de l’Union Européenne, car elle insiste beaucoup sur les risques qu’une publicité de masse ferait courir à la dignité de la profession, et à la dignité du patient qui serait vite noyé sous un flot d’informations invérifiables, et à la portée commerciale.
En somme, dans toute opération de communication, de promotion, il faut agir avec discernement et modération ! Il faut privilégier les articles à vocation informative et pédagogique plutôt que le sensationnel !
J’ai vu des centres de santé, des médecins, des dentistes, faire des campagnes radiophoniques, ou encore mettre des panneaux sur l’autoroute (ce n’est pas une blague), j’en ai vu d’autres distribuer des milliers de flyers.
Et depuis l’arrêt du Conseil d’État tout le monde s’excite avec ça.
À titre personnel, il est difficile de dire si ce type de procédé est interdit, et en l’état, tout porte à croire honnêtement que non : pas sous l’angle de la publicité.
Mais la question de savoir dans quelle mesure une telle attitude extravagante n’est pas contraire à la considération de la profession, ou ne constitue pas l’archétype de l’exercice comme un commerce est une vraie question.
La réponse nous sera donnée par les juridictions, mais je doute honnêtement qu’un jour une telle attitude soit juridiquement possible.
Je pense de toute façon qu’une telle « propagande » est contre productive, et les sociétés de marketing médical que je connais, par exemple en Italie, ne le conseillent jamais.